Semaine du vol : des simulateurs plus vrais que nature ?
Dans le cadre de l’édition 2016 de la Semaine du Vol, l’IPSA Paris s’est intéressé à la quête de réalisme des simulateurs de vol grâce à l’évolution des technologies. Pour en savoir plus, l’école invitait deux créateurs amateurs de simulateurs, Christiane Desprins et Gérard Gaillard, ainsi que Jacques Beaudeaux, ancien pilote de ligne, pour une conférence spéciale, le mercredi 24 février.
Il n’y a pas d’âge pour entamer une nouvelle passion et Christiane Desprins en est la preuve vivante. C’est à 50 ans que cette dernière s’est découverte un attrait certain pour la simulation de vol en mettant la main sur Flight Simulator 98. Depuis, seize années ont passé et sa passion est resté intacte : mieux, elle n’a fait que se renforcer, l’amenant même à réaliser son propre simulateur pour rapprocher son expérience de jeu au plus près de la réalité.
Christiane Desprins
De Microsoft à Lockheed Martin : le cas Flight Simulator
Christiane n’est pas la seule à avoir débuté grâce à« FS ». Il faut dire que ce titre, depuis sa première version sommaire lancée en 1979, a eu le temps d’évoluer et de se forger une véritable communauté de passionnés. « Flight Simulator a évolué extrêmement lentement jusqu’en 1995. Cette année-là, les paysages ont commencé à être mieux modélisés, avec l’apparition des villes, de la mer, etc. Et si un premier véritable changement a eu lieu en 1998, avec la mise en place de tableaux de bord plus élaborés, l’ajout des effets naturels (volcan) et la modélisation de terrains de vol plus précis, le jeu a connu sa plus grande avancée avec le lancement de sa 9e version en 2004. » Dès lors, FS propose des conditions météorologiques réelles et mises à jour automatiquement via Internet, des cockpits 3D et 2D, des leçons et cours de pilotage, des communications radio générées par le logiciel ou des passionnés, etc. Un vrai bond en avant, renforcé deux ans plus tard par sa dernière version en date accompagnée d’un kit de développement en informatique qui allait permettre au grand public comme à certains professionnels indépendants d’upgrader le jeu à grande échelle. Et quand, en 2008, Microsoft décide de vendre les droits du simulateur, la crainte des fans de voir s’arrêter leur titre phare ne dure que peu de temps. « Ce fut une grande chance finalement car la vente a été réalisée au profit de Lockheed Martin, un constructeur majeur de l’industrie aérospatiale, preuve s’il en est que FS était devenu un véritable simulateur. Le nouveau prioritaire a décidé de créer identité à part, Prepar3D, et aujourd’hui, le réalisme est saisissant grâce à des modélisations de haute qualité rendues possibles par les passionnés. Certains les offrent gratuitement, d’autres proposent des modélisations haut de gamme payantes. »
Le simulateur, un outil incontournable
Pour Gérard Gaillard, créateur d’un simulateur d’A320 (présenté durant l’intégralité de la Semaine du Vol), plusieurs raisons poussent les grands acteurs de l’air et de l’espace à développer leurs propres simulateurs. « Aujourd’hui, on ne fait pas d’avion sans faire un simulateur au préalable pour sécuriser les appareils et préserver les risques humains. Ils peuvent également servir à étudier les comportements des systèmes et à former les gens qui travailleront par la suite sur de vraies machines. De ce fait, un simulateur professionnel coûte plus cher qu’un avion réel, surtout en raison des moyens informatiques associés permettant de calculer les imprévus (pannes, accidents, etc.) »
L’amélioration des simulateurs de vol est aussi l’origine de certaines innovations. Par exemple, si cela était encore inconcevable il y a quelques années, il est désormais possible de piloter des drones « avions » à distance. De quoi craindre à terme la disparition des pilotes ? Pas selon Gérard Gaillard. « On verra sûrement un jour des avions de ligne sans pilote. Pour autant, les pilotes seront probablement toujours là en étant présents au sol. »
Gérard Gaillard
Le simulateur fait-maison pour voler de chez soi
Si les simulateurs professionnels coûtent très chers en R&D et sont logiquement inaccessibles aux non-professionnels, les simulateurs de vol amateurs représentent une belle alternative à ceux qui souhaitent devenir pilote sans pour autant postuler chez Air France. « J’ai toujours été frustré, malade de ne pas avoir été pilote de ligne, témoigne l’intervenant qui, une fois à la retraite, a pu pleinement se consacré à la réalisation de son rêve. Avec mon simulateur, je cherche à m’approcher au plus près de la réalité : je m’immerge dans le son, l’image, les sensations – j’ai même installé un plancher vibrant. J’ai la véritable impression d’être dans un avion. » Mais s’il encourage les passionnés à découvrir l’univers de la simulation de vol, Gérard Gaillard n’occulte pas non plus d’avertir sur les contraintes qu’une telle passion implique. « Toute simulation à ses limites. Il faut maîtriser son sujet au niveau technique software et hardware, penser son budget de façon efficace, avoir la place nécessaire pour démarrer et bien avoir conscience de ses connaissances. » Mieux vaut alors éviter de se lancer dans l’aventure du jour au lendemain. Surtout que, si tout n’est pas soigneusement pensé, le rêve peut vite prendre une tournure autrement plus désagréable. « Il existe la possibilité d’un décalage entre le mouvement et l’image : si jamais c’est le cas et qu’il y a un faible décalage, le mal de cœur arrive vite. »
Même extrêmement aboutie, la simulation reste de la simulation
Des appareils, Jacques Beaudeaux, ancien pilote de ligne et médaille d’honneur de l’aéronautique (distinction remise après 40 ans minimum de service dans l’aéronautique) en a connu plus d’un. S’il concède que le réalisme des simulateurs est de plus en plus impressionnant, cet ancien professionnel de l’air ne peut s’empêcher de penser que l’écart avec le vol réel reste encore significatif. « Les simulateurs proposent des sensations incroyables, avec le ressenti des mouvements physiques, des accélérations et décélérations, mais se prendre des » g « est toujours plus impressionnant à bord d’un véritable appareil. En ce qui concerne les procédures de secours, même si la simulation permet de se préparer à gérer des situations de stress, là aussi, le résultat reste très différent de la réalité : il est encore difficile aussi de pouvoir simuler les fumées dans l’avion, les incendies, mais surtout le comportement de l’équipage en conditions réelles ! Car au-delà de la technique, un vol, ce n’est pas uniquement appliquer des procédures : il y a une préparation psychologique, la prise en compte des passagers, des habitudes des voyageurs, la connaissance des trajets, etc. »
Jacques Beaudeaux