Quand un IPSAlien relève le défi Space Apps Challenge de la NASA
En octobre 2021, la NASA lancera la nouvelle édition de son hackathon international Space Apps Challenge. Un concours qui, l’an dernier, a permis à Baptiste Rubino-Moyner (IPSA promo 2021) de se faire remarquer. Actuellement en stage de fin d’études à Thales Alenia Space, ce futur ingénieur spécialisé en systèmes spatiaux a en effet remporté la finale française du concours et ainsi représenté la France lors de la finale mondiale grâce à X-Antenna, son projet innovant de télécommunication mêlant ingénierie spatiale et intelligence artificielle. L’IPSA vous propose de partir à la rencontre d’un étudiant qui n’a pas peur de viser la lune, bien au contraire.
Baptiste Rubino-Moyner à Boston lors du concours iGEM 2019
Pourquoi souhaites-tu devenir ingénieur ?
Baptiste Rubino-Moyner : Pour moi, être ingénieur, c’est être curieux et c’est surtout résoudre des problèmes en équipe. Or, il s’avère que j’ai toujours aimé ça ! J’aime être face à un problème et devoir trouver des solutions, notamment quand ce ne sont pas celles qui viennent tout de suite à l’esprit. C’est pour cela que j’ai rejoint l’IPSA et que j’ai voulu suivre des cours du soir en parallèle autour de l’intelligence artificielle : je veux avoir plusieurs cordes à mon arc pour trouver les meilleures solutions possibles. En effet, si l’espace fait rêver des millions de personnes dans le monde et moi y compris, il ne faut pas oublier que cela reste un domaine qui nécessite de répondre également à des millions de questions, de résoudre des millions de problèmes…
Est-ce cette envie de résoudre des problèmes qui t’a poussé à prendre part au Space Apps Challenge de la NASA en novembre 2020 ?
Bien sûr ! Pour la petite histoire, j’en entendu parler par hasard du hackathon la veille de l’événement, en tombant sur une story Instagram de l’IPSA relayant l’information. J’ai aussitôt appelé un ami très fort en informatique (Julien Deporte, étudiant à Epitech) qui aime particulièrement ce genre de concours. Faire appel à lui était d’autant plus logique que le but consistait à résoudre en 48 h une problématique spatiale en associant ingénierie spatiale et informatique. On s’était donc lancés là-dedans un peu à l’improviste…
Mais cela ne vous a pas empêchés de remporter l’étape française et d’être retenus en janvier 2021 pour la grande finale internationale !
C’est vrai ! En face de nous, nous avions pourtant des équipes parfois constituées de quatre ou cinq personnes, qui avaient potentiellement entendu parler du concours bien avant nous et pouvaient donc être mieux préparées. Toutefois, cela ne nous a pas gênés : avec mon ami, on se connaît depuis très longtemps et on sait qu’on a plutôt une bonne synergie. Dès le départ, on a eu l’idée d’allier différentes technologies avec lesquelles nous étions déjà familiers. Cela nous a permis de remporter un « Local Reward » à l’échelle nationale, qui regroupait tout de même entre 100 et 200 étudiants ; puis donné l’opportunité de participer à la finale mondiale en étant sélectionnés par un jury composé de membres de toutes les agences spatiales mondiales. Au total, seuls 50 projets ont été retenus pour une première étape sur les 1000 proposés initialement, dont le nôtre. Puis, dans un second temps, les grands finalistes ont été annoncés, avec seulement cinq projets lauréats et deux mentions honorables. Et nous, nous avons pu faire partie de ces mentions !
Justement, votre projet se nommait X-Antenna. Pourquoi ce nom et quel était son concept ?
C’est évidemment un clin d’œil à SpaceX et à cet esprit start-up ! X-Antenna s’inscrivait dans une problématique du concours en lien avec les télécommunications : améliorer la communication entre la Terre et une possible base martienne. Notre idée a donc été d’allier les ondes radio – déjà utilisées aujourd’hui pour communiquer avec nos satellites – et la communication laser. Ces deux technologies possèdent leurs qualités et défauts. Ainsi, les ondes radio occasionnent énormément de perte sur la liaison selon la longueur de la distance parcourue, mais en contrepartie, elles ne sont pas impactées par une tempête de sable par exemple – tempêtes possibles sur Mars –, tandis que c’est l’inverse pour la communication laser, très bonne sur la distance, avec très peu de perte et un très haut débit, mais fortement assujettie par les conditions climatiques. X-Antenna imagine alors utiliser les antennes radio déjà présentes sur Terre pour transférer d’abord les ondes à un satellite placé sur l’orbite héliocentrique à un certain endroit. Ce dernier va ensuite permettre une liaison en réceptionnant les ondes radio puis en les transférant via la communication laser à un second satellite, placé lui en orbite de Mars. Enfin, ce dernier procédera à une nouvelle conversion pour transmettre les ondes radio vers la base martienne. En somme, X-Antenna utilise le meilleur des deux technologies.
Utiliser ces deux technologies ralentit-il la vitesse de transmission ?
Actuellement, pour envoyer un message entre la Terre et Mars, cela prend environ dix minutes dans le meilleur des cas. Avec notre système, la perte de temps serait de l’ordre du micro pourcentage, voire même moins, ce qui est donc anecdotique. Par contre, il permettrait par contre d’envoyer bien plus d’informations en améliorant le débit d’un coefficient à peu près égal à 100. En résumé, X-Antenna permettrait en théorie de transférer 100 fois plus d’informations qu’à l’heure actuelle ! Mais bon, cela ne reste que de la théorie ! (rires)
Baptiste aux cotés de deux autres étudiants sélectionnés par l’ESA pour designer une mission spatiale en une semaine : ensemble, ils ont travaillé sur la conception d’un module de télécommunication
Votre projet a-t-il attiré l’attention des professionnels ?
En partie car nous avons notamment été contactés par des entreprises qui sponsorisaient le concours à l’échelle française, dont une société spécialisée dans l’intelligence artificielle et Capgemini. Ces entreprises avaient l’air notamment intéressés par nos profils pour un éventuel futur recrutement. Mais au-delà du contact, du réseau, notre projet nous a surtout permis d’ajouter une très belle ligne à nos CV – on n’est pas tous les jours finalistes d’un concours organisé par la NASA ! De mon côté, cela m’est même très utile car je postule à des Young Graduate Trainees, c’est-à-dire des CDD proposés par l’Agence spatiale européenne (ESA) aux jeunes diplômés. Or, comme l’ESA cherche des profils proactifs, capables de sortir des sentiers battus dans leur façon de penser ou leur utilisation de différentes technologies, je me dis que ça ne peut qu’augmenter mes chances d’être retenu. Aujourd’hui, je fais d’ailleurs partie des deux finalistes pour obtenir un YGT qui me permettra de travailler sur les propulseurs spatiaux des satellites au sein de l’ESA tout en tentant de les optimiser à travers l’utilisation de données…
Intégrer l’ESA, ce serait l’idéal pour avancer dans la réalisation de ton rêve d’espace, n’est-ce pas ?
Mon objectif, c’est vraiment de devenir astronaute et tout ce que je fais, je le fais pour optimiser mes chances et être prêt le jour J ! Même mes choix de stages sont liés à ce but. Par exemple, aujourd’hui chez Thales Alenia Space, je travaille sur l’intelligence artificielle et je sais que cela me servira plus tard. C’est aussi pour cela que je m’étais énormément impliqué dans le projet de création du nanosatellite au sein de l’association IPSA ONE : créer toutes les parties et notamment le propulseur, ça m’a énormément plu. Au fond, je cherche toujours à trouver un moyen de fusionner l’ingénierie spatiale avec l’intelligence artificielle.
Quitte à rêver, autant rêver en grand : quel astronaute rêverais-tu d’être ?
Un « simple » astronaute, ce serait déjà pas mal ! (rires) Après, la cerise sur le gâteau serait de faire partie des précurseurs, de ceux qui pourraient partir pour Mars ou reposer le pied sur la Lune… Mais juste partir dans l’espace, observer de là-haut la planète bleue et prendre du recul sur ce qui se trouve chaque jour sous nos pieds, ce serait déjà un beau rêve de réaliser ! C’est tout le mal que je me souhaite ! (rires)
Le propulseur conçu par Baptiste durant son stage au CNRS avec l’association IPSA ONE
Baptiste et Jordan Culeux (IPSA promo 2020) présentant l’association IPSA ONE lors du salon Viva Technology 2018