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De l’IPSA à une base lunaire expérimentale : l’épopée spatiale d’Emma et Hugo !
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De l’IPSA à une base lunaire expérimentale : l’épopée spatiale d’Emma et Hugo !

Emma Forgues–Mayet et Hugo Castaing (IPSA promo 2023) se sont rencontrés sur le campus de Toulouse lors de leur 3e année. Emma venait alors d’intégrer l’école après une CPGE, tandis qu’Hugo, lui, terminait le Cycle préparatoire de l’IPSA qu’il avait intégré directement après le Bac. Très vite, les deux futurs ingénieurs vont se trouver des atomes crochus et commencer à travailler ensemble autour de leur attrait pour l’espace. C’est cette collaboration qui leur a permis d’abord d’expérimenter la vie dans une base lunaire expérimentale en octobre dernier, puis de s’envoler pour Saint-Pétersbourg du 14 au 20 juin 2021 afin de réaliser une présentation lors de l’édition 2021 du GLEX (Global Space Exporation Conference), le congrès spatial international organisé par la Fédération Internationale d’Astronautique (IAF) et, cette année, l’agence spatiale russe ROSCOSMOS ! Rencontre avec un duo à la passion communicative.

De l’IPSA à une base lunaire expérimentale : l’épopée spatiale d’Emma et Hugo !

Emma et Hugo lors du GLEX 2021

Quand avez-vous commencé à travailler ensemble ?

Hugo Castaing : Tout a commencé avec le « PIG », le projet d’intérêt général que l’on démarre en équipe à l’IPSA à partir du milieu de la 2e année et qui se poursuit durant le premier semestre de la 3e année. Avec d’autres camarades, nous avions ainsi commencé à travailler sur un projet de ferme aéroponique verticale en rapport avec le programme MoonVillage de création de village sur la Lune. Pour faire simple, il s’agissait de trouver un moyen pour faire pousser des plantes sur la lune dans un module autonome utilisant cette forme de culture hors-sol qui se fait donc sans terre et permet d’économiser énormément l’eau. Dès le début de la 3e année, Emma a intégré l’école et aussitôt rejoint notre équipe, ce qui nous a permis d’aller plus loin et de nous faire remarquer au sein de l’école. En effet, au vu du travail réalisé et des compétences en aéroponie que nous avions pu développer, notre enseignante Roxana Perrier (voir encadré) nous a proposé de nous inscrire Emma et moi à une « mission astronaute analogue » en dehors de l’IPSA : la mission EMMPOL, pour « EuroMoonMars Poland ».

Emma Forgues–Mayet : Pour cette mission, il s’agissait de travailler sur une autre méthode de culture sur la lune. Cette fois-ci, il fallait développer un système aquaponique.

Hugo : Comme pour l’aéroponie, il n’y a pas de terre. Par contre, l’eau joue un rôle central puisqu’on associe culture de plante et élevage de poissons pour instaurer une symbiose, un cycle vertueux.

Emma : Finalement, on a été retenus pour la mission EMMPOL et nous sommes partis deux semaines dans le sud de la Pologne, à Cracovie, en octobre 2020 pour vivre cette expérience !

De l’IPSA à une base lunaire expérimentale : l’épopée spatiale d’Emma et Hugo !

En quoi consistait cette mission ?

Emma : En fait, la mission EMMPOL crée une base lunaire semblable à celles qui pourront voir le jour dans le futur. Dans cette base isolée, tout est fermé. Par exemple, il n’y pas de fenêtre pour éviter l’impact des radiations présentes sur la lune sur les personnes présentes. Sur place, nous étions répartis en deux équipes de six personnes ayant chacune un rôle précis : Hugo était dans une équipe et moi dans l’autre, mais nous étions tous les deux les astrobiologistes en charge du système aquaponique de la base. Durant la première semaine, une équipe vivait dans la base tandis que l’autre s’afférait dans ce qu’on appelle le « Mission Control Center » pour justement s’occuper des « astronautes » alors présents dans la base, en créant leur emploi du temps, en mettant en place des protocoles, en veillant à ce qu’il n’y ait aucun problème, etc. En gros, le travail du Mission Control Center correspond assez bien à celui qu’effectuent les équipes au sol avec les astronautes de l’ISS. Et durant la seconde semaine, les équipes s’inversaient.

Hugo : Ces deux semaines nous ont énormément appris de choses sur l’environnement lunaire ! Tant que l’on ne vit pas une mission de ce genre, on ne réalise pas combien tout est encore plus strict que ce que l’on peut s’imaginer. Il faut imaginer un emploi du temps complet allant de 8 h à 22 h, avec des tâches précises à effectuer chaque heure. Par exemple, toutes les deux heures, nous devions prendre notre température, notre pouls, notre tension sanguine… Il fallait également mesurer tous les fluides entrant et sortant – noter précisément la quantité d’eau bue et d’urine expulsée… –, prélever des échantillons de selles et d’urine…

Emma : Il faut rappeler que d’autres expériences se sont déroulées en parallèle durant cette mission. Il y avait déjà celles menées dans les deux équipes. Chaque participant avait alors sa propre expérience à mener : la nôtre portait sur le système aquaponique, mais un autre membre pouvait travailler sur le compost, un autre sur le fait de pouvoir maintenir les gestes barrières dans une base aussi petite, etc. Et, en plus de cela, d’autres expériences étant menées par d’autres personnes, d’où le fait de devoir suivre un régime strict et se livrer à toutes sortes de tests.

De l’IPSA à une base lunaire expérimentale : l’épopée spatiale d’Emma et Hugo !

L’expérience menée durant la mission EMMPOL

Vous étiez donc à la fois chercheurs et cobayes !

Emma : C’est ça ! Comme dans l’ISS !

Hugo : C’était super intéressant. Par exemple, sur cette mission EMMPOL, on retrouve des personnes spécialisées sur les études liées au sommeil, à l’isolation et à la lumière. Ces dernières ont donc installé des lampes spéciales afin de recréer dans la base les différentes longueurs d’onde arrivant sur Terre en début, milieu et fin de journée afin de recréer un environnement semblable à celui de la Terre et ainsi ne pas trop perturber les rythmes circadiens des astronautes.

De l’IPSA à une base lunaire expérimentale : l’épopée spatiale d’Emma et Hugo !

Vous avez, d’une certaine façon, participé à faciliter la future vie des astronautes…

Emma : Exactement. D’ailleurs, il n’y a pas que la mission EMMPOL : de plus en plus de projets de bases lunaires se développent dans le monde ces dernières années, à Hawaï, dans l’Utah, en Pologne… Le but est vraiment de se préparer au mieux à tout ce qui pourrait potentiellement se passer quand l’on sera de retour sur la Lune.

Hugo : Et cette mission nous a aussi beaucoup appris sur le plan humain en plus du plan scientifique. On en sait maintenant davantage sur les mécaniques de groupe, mais surtout sur nous et sur les autres. Vivre dans un environnement isolé et fermé, c’est très particulier. Moi par exemple, j’ai eu beaucoup de mal à m’y adapter. J’étais bien plus stressé qu’Emma !

Emma : C’est amusant de se dire que moi qui suis d’ordinaire plus « stressée » dans la vie de tous les jours, je me sentais très à l’aise isolée dans la base, tandis qu’Hugo, qui est beaucoup moins stressé au quotidien, a moins bien géré la situation. Cela montre qu’on ne peut pas toujours prévoir ce qu’il peut se passer.

Hugo : On s’est aussi rendu compte de la grande importance de la relation entre les astronautes et le Mission Control Center. Il suffit parfois d’un mot pour créer des tensions !

Emma : Nous sommes arrivés en pensant d’abord à notre expérience à mener, au matériel qui serait mis à notre disposition, sans se douter que la plus grosse difficulté n’allait pas être liée au côté technique, mais bien aux conditions de travail, dans une base sans lumière naturelle, sans pouvoir s’isoler des autres ou prendre l’air quand on est frustré. C’est très différent de ce qu’on a l’habitude de vivre d’ordinaire.

Hugo : Quand on sait que certaines missions du même type s’étendent sur plusieurs semaines et mois, voire au-delà même d’une année, on se dit que ça doit être assez impressionnant.

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De l’IPSA à une base lunaire expérimentale : l’épopée spatiale d’Emma et Hugo !

C’est finalement le fruit de vos expériences lors de l’EMMPOL qui vous a ouvert les portes du GLEX, n’est-ce pas ?

Hugo : Effectivement. Avec notre expérience, nous cherchions à voir comment préserver un système aquaponique en cas de panne de longue durée ou, tout du moins, lorsqu’il n’y a plus d’énergie électrique pour l’alimenter. Il faut savoir qu’un système aquaponique a besoin d’une pompe pour fonctionner et faire circuler l’eau. Or, si une panne survient ou que l’on se retrouve avec un besoin imminent de réduction d’énergie, il faut trouver la procédure permettant de préserver ce système alors même que ce n’est pas la chose la plus importante dans l’immédiat – ce n’est pas indispensable comme le générateur d’oxygène par exemple. Il fallait surtout trouver comment garantir la survie des plantes et des poissons car, s’ils meurent, les remplacer représenterait un coût certain, d’autant que la mise en place d’un système aquaponique prend entre une et huit semaines en fonction des conditions. Et finalement, notre expérience a bien fonctionné et nous avons obtenu des résultats prometteurs.

Emma : À la suite de cela, notre enseignante Roxana Perrier nous a incité à écrire un abstract – autrement dit un condensé de l’expérience de 400 mots qui résume le contexte, la problématique, l’expérience, la méthode et les résultats – afin de la soumettre au GLEX. Mais, pour être honnête, nous ne nous attentions pas à être sélectionnés ! Nous avions envoyé l’abstract en janvier 2021 et, par la suite, nous avions un peu oublié cette histoire jusqu’à ce qu’on reçoive un email nous expliquant que l’on était retenu. C’est à ce même moment que l’on a décidé de s’intéresser un peu plus au GLEX et que l’on a réalisé qu’il s’agissait non pas d’une petite conférence comme nous le pensions au début, mais d’un événement important réunissant des astronautes et des représentants de nombreuses agences spatiales internationales !

Hugo : Il allait y avoir des interventions de la NASA, de ROSCOSMOS, de l’ESA, de la JAXA, du CNSA, de l’UAESA, de l’ISRO

Emma : C’est en découvrant tout ça qu’on a réalisé notre chance ! Dès lors, on a dû écrire un papier plus important sur notre expérience et préparer une vidéo pour l’événement.

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Hugo et Emma devant le Musée de l’Ermitage

Avez-vous pu profiter de votre participation et de votre présentation pour nouer des contacts pour la suite du projet ?

Hugo : À vrai dire, cela nous a fait beaucoup réfléchir. Là-bas, nous faisions partie des participants les plus jeunes – en face de nous, il y avait surtout des chercheurs, des doctorants, etc. Discuter de notre expérience avec eux nous a fait réaliser que nos profils étaient particuliers car finalement assez sous-représentés dans le milieu spatial pour le moment et pour cause : la question de la nourriture n’est pas encore réellement d’actualité. Elle se posera après l’étape de l’exploration robotique, quand il sera à nouveau décidé d’envoyer des humains vivre à long terme sur la Lune ou ailleurs. Il faut probablement attendre encore 15 ou 20 ans. Par contre, même si ce sujet n’était clairement pas le plus répandu lors du GLEX, il intéressait malgré tout. Et au fil des échanges, nous avons compris que si nous voulions attirer d’éventuels investisseurs ou partenaires pour travailler sur notre projet, il nous fallait quelque-chose de plus concret.

Emma : Notre expérience intéressait à chaque fois les gens, mais quand ils nous demandaient ce qu’on comptait faire ensuite, on ne savait pas trop quoi répondre.

Hugo : On pense donc à créer une structure autour, comme une start-up par exemple, pour aller plus loin. On est en pleine réflexion.

Emma : Nous avons vraiment développé un fort intérêt pour l’astrobiologie en parallèle et on ne se voit pas le mettre de côté.

Hugo : Sans faire de mauvais jeu de mot, on a vraiment cultivé des compétences bien spécifiques sur le sujet ! Pourquoi pas trouver des personnes expertes dans le domaine pour monter un prototype de système aquaponique sans gravité ou en microgravité ?

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Le GLEX se déroulait dans l’enceinte du palais de Tauride

Enfin, quels sont vos plus beaux souvenirs de cette semaine passée en Russie ?

Emma : Il y en a plusieurs. Déjà, le GLEX en tant que tel était assez formidable. Chaque jour, il y avait des conférences et interventions passionnantes, une personne à rencontrer, etc. Lors d’un événement qui rassemble uniquement des gens intéressants et intéressés par le spatial, on ne peut pas s’ennuyer ! C’était un rêve que de pouvoir échanger avec des personnes travaillant sur énormément d’aspects différents liés à l’espace – la loi, l’éthique, l’ingénierie, les lanceurs… Bon, évidemment, j’ai aimé par-dessus tout le moment qui nous a permis de parler avec des astronautes ! C’était un soir, dans un planétarium. Il y avait deux astronautes français, un Américain, une Canadienne… Ce sont des personnes que l’on admire énormément : elles ont vécu des choses incroyables et, quand elles en parlent, on voit qu’elles ont adoré ça et qu’elles souhaitent que d’autres les vivent aussi !

Hugo : Tout était bien ! Je retiens vraiment cette ouverture à d’autres domaines comme les sciences humaines, l’anthropologie, le rôle de l’économie et de la loi, la place de l’art dans l’espace… Je ne compte plus les conversations passionnantes que j’ai pu avoir. Et comme Emma, la soirée dans le planétarium m’a particulièrement marqué, tout comme le gala organisé, avec un ballet très beau. Enfin, impossible de ne pas parler de la ville de Saint-Pétersbourg en elle-même, qui est vraiment magnifique et qu’on a pu découvert durant la période des nuits blanches, quand il ne fait jamais nuit…

Emma : D’ailleurs, on tient aussi à remercier toutes les personnes qui nous ont permis d’aller plus loin et de rendre possible notre venue au GLEX. On pense notamment à Julien Milojevic, Angélique Sscotto di Perrotolo, Mathieu Lafont et Julien Bardin-Codine qui ont font partie de l’équipe de travail pour la ferme aéroponique dans le cadre du programme MoonVillage.

Hugo : Et l’on n’oublie pas non plus Roxana Perrier ainsi que ceux qui ont partagé l’aventure EMMPOL avec nous : Sonia Pavy, Bernard Foing, Quentin Gouault, Théo Podolsky, Roberto Landolina, Mikaël Clain, Krystian Komenda et une nouvelle fois Mathieu Lafont !

De l’IPSA à une base lunaire expérimentale : l’épopée spatiale d’Emma et Hugo !

Le duo a pu rencontrer plusieurs astronautes, comme ici Julie Payette, Mike Baker et Sergueï Revine !

De l’IPSA à une base lunaire expérimentale : l’épopée spatiale d’Emma et Hugo !

Hugo et Emma en compagnie de Roxana Perrier


Une enseignante de l’IPSA également présente lors du GLEX 2021 !

Emma et Hugo n’étaient pas les seuls représentants de l’IPSA lors de ce GLEX 2021. En effet, Roxana Perrier a également fait partie de la délégation IPSAlienne partie pour la Russie. Professeure de Sciences Spatiales et Physique à l’IPSA, elle a participé à plusieurs événements durant le rassemblement, coprésidant la session  « Transcending Societal Issues for Space Exploration », prenant part à la table-ronde « Habitats, extreme analogues, research, training, culture and arts for space exploration (heart-case) » et animant la session technique « Preparing future Moon exploration missions through engineering and scientific experiments » ! Un autre IPSAlien faisait également partie du programme du GLEX : il s’agissait de Thibaut Pouget (IPSA promo 2017), ingénieur certification qualification hélicoptère chez Alten, auteur d’une présentation technique sur l’exploration habitée de Vénus. L’IPSA vous en reparlera d’ailleurs très bientôt en compagnie de cet Alumni passionnant !