Changement climatique : Les Shifters s’invitent à l’IPSA, ce mercredi 23 mars
Dans le cadre du cycle IPSA Demain, le Bureau du Développement Durable (BDD) des étudiants du campus parisien organise ce mercredi 23 mars à 17 h 30 une conférence dédiée au changement climatique avec deux représentants de l’association des Shifters liée au think-tank The Shift Project. En amont de l’événement, l’IPSA a réuni l’un de ces intervenants, l’ingénieur Grégoire Carpentier et les membres du BDD à l’origine de cette conférence, Célian Cardon et Mohamed Nadet (IPSA promo 2025). Au menu de cet entretien croisé : sauvegarde de l’environnement, éveil des consciences, rôle de l’ingénierie, éthique et, bien sûr, aéronautique !
Grégoire Carpentier
Grégoire, comment définiriez-vous The Shift Project ?
Grégoire Carpentier : The Shift Project a été lancé en 2010 et se présente comme un think-tank préoccupé par deux sujets fondamentaux pour l’avenir de l’humanité – la raréfaction des énergies fossiles et la contrainte climatique –, et qui essaye donc de proposer des solutions pour faire transitionner la société vers un monde libéré de la contrainte carbone. Évidemment, cela ne se fait pas sans des ressources humaines importantes, d’où la naissance en 2014 de l’association des Shifters, l’asso des bénévoles du projet, dont le but est d’apporter un soutien logistique et technique via des personnes sensibles à cette mission et capables de donner un peu de leur temps et de leur expertise. Moi-même, avant d’arriver dans The Shift Project, j’ai d’abord rejoint l’association des Shifters. Depuis, l’association a évolué pour également avoir un rôle de sensibilisation du grand public et des corps intermédiaires, via notamment la participation à des conférences. Désormais, au sein des Shifters, je suis administrateur et pilote notamment notre offre de conférences, dont fait partie celle à l’IPSA.
L’ingénierie est-elle indissociable de The Shift Project ?
Grégoire Carpentier : Il faut d’ailleurs savoir que les Shifters sont aussi majoritairement des ingénieurs – par exemple, je suis ingénieur aéronautique de formation mais travaille aujourd’hui dans l’édition de logiciels. Le fait d’aborder la transition par l’angle physique est d’ailleurs ce qui est intéressant avec la démarche du projet : on parle de watts, de mètres, de kilomètres/h… C’est ce qui nous anime.
Célian et Mohamed du Bureau du Développement Durable de l’IPSA
Mohamed et Célian, pourquoi avoir également voulu vous engager en rejoignant cette fois le BDD de l’IPSA ?
Célian Cardon : En fait, au sein de l’IPSA, chaque classe possède un élève éco-délégué auprès des autres étudiants et de l’administration. Or, il se trouve que l’éco-délégué de notre classe, Allan Akibodé, est également le président du BDD, une association créée suite aux accords de Grenoble liés à la COP2 Étudiante qui engagent l’IPSA à intégrer davantage les objectifs du développement durable dans sa pédagogie, ses activités de recherche et la vie de ses campus. Comme la majorité d’entre nous travaillera dans l’aéronautique, un milieu qui va forcément être impacté et transformé par les problématiques de développement durable, il nous semblait important de nous y sensibiliser et de soutenir Allan au sein de l’association.
Mohamed Nadet : Cela va définir notre futur et notamment notre futur proche, dès la sortie de l’école. Il ne faut pas se dire que cela sera le problème de quelqu’un d’autre.
Célian Cardon : La conférence est aussi faite pour ça. Avec la venue de deux Shifters tels que Jason Saniez et Grégoire, nous espérons pouvoir encore davantage sensibiliser les étudiants à ces questions et notamment les plus jeunes promotions. C’est un travail complémentaire à ce qui se fait déjà au sein de l’école, avec les Fresques du Climat ou les conférences organisées par l’IPSA abordant le sujet. Nous, en tant qu’étudiants, nous voulons également agir en allant plus loin, pour convaincre les rares IPSAliens encore indécis à réellement prendre compte les changements nécessaires à venir. Plus on en parle, plus on échange et plus on comprend mieux les enjeux pour se forger une opinion.
La signature des accords issus de la COP2 Étudiante par l’IPSA
Grégoire, voir des étudiants aussi motivés doit forcément vous satisfaire, non ?
Grégoire Carpentier : Il y a vraiment de quoi se réjouir, oui, d’autant que le sujet de la transition – et même de l’enseignement de la transition – est encore nouveau, finalement. Le rapport Jouzel rappelle d’ailleurs l’importance et la nécessité de former aux enjeux de la transition écologique dans le supérieur. Aujourd’hui, nous n’en sommes qu’aux prémices, mais c’est assez enthousiasmant de voir que nous arrivons déjà à parler de ce sujet qui, il y a quelques années en arrière, étant totalement absent des discours. Cela se met en place progressivement et ce n’est pas seulement vu comme une revendication d’étudiants : les directions d’établissements et d’études ont réellement envie de s’emparer du sujet. Cela va vraiment dans le bon sens.
Justement, est-ce que The Shift Project a une vocation politique ?
Grégoire Carpentier : À partir du moment où l’on essaye d’avoir un plan de transition pour un modèle de société, on touche forcément au politique. Pour autant, The Shift Project comme les Shifters sont non-partisans. Nous, nos compétences portent sur l’énergie, le climat et la transition de la société… et il y a tout un tas de questions pour lesquelles nous ne sommes pas compétents, comme par exemple la laïcité ou la lutte contre les inégalités ! Nous nous considérons avant tout comme un laboratoire d’idées qui sert à alimenter le débat public et qui doit permettre d’influencer les programmes politiques. Aujourd’hui, l’action des Shifters se concentre sur l’animation du débat public et la sensibilisation de la société.
Est-ce que les entreprises sont sensibles à vos idées ? Certaines commencent-elles à se transformer ?
Grégoire Carpentier : L’industrie est en train de se rendre compte que si elle ne prend pas le virage de la transition, elle s’exposera à des risques patents sur sa durabilité : c’est une nouvelle contrainte qui apparait dans son paysage. La question de la durabilité met en jeu la survie de ces acteurs si bien que l’industrie se demande comment faire pour s’organiser afin de transformer cette question en une opportunité. Évidemment, c’est plus ou moins facile selon l’industrie. Si vous êtes dans une usine de batterie, c’est peut-être plus simple d’opérer cette transition que si vous êtes dans une industrie totalement dépendante aux énergies fossiles comme celui de l’aéronautique – et encore, il vous faudra réfléchir au sujet des matières, des réapprovisionnements… À l’inverse, si vous êtes dans de la rénovation thermique, vous allez potentiellement avoir un nouveau champ de marché s’ouvrir à vous ! Bref, les perspectives dépendent un peu des secteurs même si tous ne vont plus pouvoir ignorer cette contrainte : ils vont devoir réagir et l’incorporer dans leur stratégie. Ce qui est donc intéressant et ce qui va dans le bon sens, c’est d’organiser un discours transparent, de créer les conditions d’un débat sain sur le sujet. Ce qu’il faut d’abord faire, c’est de ne surtout pas éviter le sujet !
Célian et Mohamed, en tant que futurs ingénieurs, est-ce que ce défi va impacter votre carrière ?
Mohamed Naded : Oui et je trouve que ce serait vraiment intéressant de pouvoir travailler plus tard avec une entreprise consciente du développement durable, pour deux raisons : le respect de l’environnement, bien sûr, et le challenge que cela représente. Réfléchir sur un sujet technique, en incorporant ces nouvelles contraintes, pour ensuite réussir à livrer un produit respectant l’environnement tout en étant aussi fonctionnel qu’avant, voire plus, c’est une opportunité très motivante ! Réussir à intégrer la lutte contre le réchauffement climatique dans un projet dans l’aéronautique, le spatial ou la mobilité, c’est même fun pour un ingénieur. Cela vous pousse à faire un produit aussi intéressant qu’utile.
Célian Cardon : Dans les secteurs de l’aéronautique et du spatial, très particuliers, ça vous force vraiment à voir le problème sous un autre angle. Après, pour moi qui souhaite plus tard travailler dans le secteur de l’armement, je sais que cela risque d’être encore plus compliqué d’associer l’activité de l’entreprise à ces nouveaux enjeux. Mais c’est justement ce qui rend le défi plus intéressant !
Grégoire, quel conseil donneriez-vous ainsi à la prochaine génération d’ingénieurs, comme celle de Célian et Mohamed ?
Grégoire Carpentier : Avant de s’adresser aux jeunes, je pense qu’il est impératif de déjà s’occuper des autres générations présentes ! En effet, il existe une sorte de bais de déresponsabilisation d’une partie de la société qui revient à dire « bon, les jeunes, c’est à vous de trouver la solution ». Moi, je ne suis pas du tout d’accord avec ça : c’est à tout le monde de trouver des solutions et les étudiants ne doivent pas être les seuls à se bouger ! De ce fait, plus qu’un conseil, je formulerais plutôt un souhait : celui que l’on puisse parvenir à passer d’une société du pouvoir faire à une société du vouloir faire. Il faut que l’on arrive à intégrer les enjeux environnementaux des limites planétaires dans des pratiques d’ingénierie et dans une réflexion sociétale. C’est pouvoir se dire « je mesure les impacts de ce que pourrait avoir telle action ou tel projet… » et ainsi se laisser la liberté de ne pas le faire. C’est ça qui va être le moteur des années futures et cela représente une certaine forme de sagesse vis-à-vis du « faire à tout prix ». L’ingénieur a une responsabilité. Il n’est ni un chercheur ni un scientifique : c’est quelqu’un qui a pour mandat de prendre l’essentiel de la connaissance technique et scientifique disponible pour en faire quelque chose de bon pour la société. De ce fait, les questions de transition, de développement durable et des limites planétaires réactivent d’autant plus la dimension éthique de notre métier. Il faut décider s’il est bon ou pas de se lancer dans un projet d’ingénierie, déterminer s’il n’y a pas d’autres solutions à la place.
Conférence « Changement climatique : nouvelles sources d’opportunités ? », le mercredi 23 mars à 17 h 30, à suivre en direct via Microsoft Teams !
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